Consultation Infirmière pour les adolescents hospitalisés en pédiatrie
L’état alarmant de la santé des jeunes constitue un véritable problème de santé publique. Le suicide représente la deuxième cause de mortalité après les accidents de la circulation. L’ANAES1 recommande l’hospitalisation des jeunes dans des unités adaptées à recevoir des adolescents, la désignation d’un professionnel référent ainsi que le repérage des sujets à risque.
Parmi les actions prioritaires formulées par le Haut Comité de Santé Publique2 , le développement de consultations spécialisées a été proposé. Les autres axes portent sur le dépistage de signes de souffrance et le recours à l’hospitalisation face à la crise suicidaire afin de contenir et de protéger l’adolescent, ainsi que d’effectuer une évaluation de son état psychiatrique.
Selon plusieurs rapports3 seulement un tiers des suicidants serait hospitalisé, 1 suicidant sur 3 récidiverait dans l’année et la moitié des suicides passerait inaperçue. Certains facteurs sont retrouvés, ce qui permet de supposer l’existence d’un groupe à risque (familles monoparentales ou recomposées, redoublement d’une classe, conduites addictives, violences subies). De plus, beaucoup d’adolescents disent se sentir isolés face à leurs difficultés. Parmi les actions prioritaires du rapport Pommereau figure de « Développer de nouveaux dispositifs de consultations et d’hospitalisation spécialisées pour les grands enfants et les adolescents, et améliorer les conditions d’accueil des services existants, en différenciant nettement la prise en charge des enfants en bas âge, celle des grands enfants et des adolescents ». De même, la Fédération Française de Psychiatrie a formulé des recommandations (recours à l’hospitalisation) qui ont pour objectif de permettre l’amélioration du repérage de la crise suicidaire et l’organisation d’une prise en charge susceptible d’éviter ou de limiter la fréquence des passages à l’acte. Les adolescents sont accueillis dans les services de pédiatrie par le biais des urgences pédiatriques et adultes. Les motifs d’hospitalisation les plus fréquents sont des maladies chroniques, des symptômes somatiques, des accidents de la voie publique et des tentatives de suicide.
Un mode d’intervention infirmière à développer
La consultation infirmière est un mode d’intervention peu développé dans la pratique bien que sa création date des années 704 . Dans le secteur de la pédiatrie, il en existe mais de façon sporadique. Un état des lieux5 a montré que la consultation infirmière spécifique pour les adolescents présentant une souffrance psychique est peu répandue. L’adolescent bénéficie des consultations infirmières, au même titre que les autres enfants. Elles sont en lien avec une maladie chronique (diabète, asthme, mucoviscidose) et ont pour objectif principal l’éducation du patient.
Pourquoi une consultation infirmière pour les adolescents hospitalisés6
Les buts sont d’améliorer la qualité des soins infirmiers administrés aux adolescents hospitalisés en pédiatrie. Cette prestation permet de les aider à vivre leur hospitalisation, leur maladie, leur handicap, leurs difficultés existentielles. L’infirmière identifie les différentes problématiques influençant leur qualité de vie (crise de maturation, crise existentielle, environnement pathogène et déstructuré, structure familiale défaillante, conduites addictives…). Puis elle participe à l’apaisement de l’état de tension psychique par l’utilisation de techniques de communication et de gestion de l’anxiété. Un autre objectif est d’être acteur dans la prévention du suicide des jeunes. Cela se concrétise par le fait d’être référent chargé d’accompagner l’adolescent en difficulté tout au long de son séjour à l’hôpital. La participation de l’infirmière au repérage des sujets à risque suicidaire s’effectue par une consultation des pré-adolescents et adolescents hospitalisés. Une grille de recueil de données selon un modèle conceptuel infirmier sert de support à l’entretien. A la collecte des informations fait suite l’étape de l’analyse de celles-ci avec, notamment, une évaluation du soutien familial, social, amical, de l’investissement scolaire, la recherche de conduites addictives, de difficultés avec la loi, de facteurs familiaux et psychosociaux (séparation, placements, pertes et abandons, violence, négligences, difficultés économiques, comportements suicidaires, problème de santé mentale). Cette démarche permet de concourir au repérage des signes de souffrance psychique et de s’inscrire dans un processus de prévention du suicide des jeunes. La collaboration avec le corps médical et les différents professionnels de santé facilite l’échange d’informations utiles et contribue à la construction d’un projet de soins pour l’adolescent. Le partenariat avec les acteurs intra et extra-hospitaliers (médecins généralistes, médecins et infirmières scolaires, assistants sociaux, éducateurs, enseignants…) permet de créer un réseau visant à améliorer l’état de santé des jeunes.
Présentation de la consultation infirmière au CHU de Poitiers
La fiche de poste
Caractéristiques : Puéricultrice Spécialiste Clinique, mi-temps, rattachée au Cadre Supérieur de Santé du pôle Mère Enfant, horaires de journée à adapter en fonction des besoins des usagers.
Missions générales
• Activité de consultation auprès d’adolescents atteints de pathologies aiguës ou chroniques pour un soutien et un accompagnement à la demande du médecin ou de l’équipe. Activités • Mettre en place et animer la consultation infirmière spécialisée dans la prise en charge des adolescents exposés à des risques
• Mener des actions de prévention et de dépistage d’adolescents à risque avec différents partenaires
• Faire une analyse de situation clinique et établir un plan d’éducation, de prévention, de suivi en partenariat avec un pédiatre (en amont du recours éventuel à un psychologue ou à un pédopsychiatre).
L’organisation de la consultation
Le lieu
• dans le secteur d’hospitalisation, aux urgences pédiatriques
• dans la chambre de l’adolescent ou dans un bureau réservé à cet effet.
La demande est formulée par :
• un médecin
• un cadre infirmier, une puéricultrice, une infirmière
• l’adolescent, les parents.
Le type de patient Tout adolescent hospitalisé en pédiatrie pour : • pathologie aiguë et chronique
• troubles somatiques
• problème chirurgical
• souffrance psychique (Crise d’angoisse, Tentative de Suicide, anorexie mentale, agressivité…).
• problème social…
La durée
Elle est fonction de la demande. Elle varie de 20 minutes à 1 heure.
Le nombre de consultations/demi-journée
Un travail de réflexion et de synthèse est nécessaire après la consultation. Cette activité de soins ne peut donc concerner que 4 adolescents par demi-journée au maximum. Les soins réalisés Les interventions de soins relèvent du rôle propre infirmier. Elles sont essentiellement de nature relationnelle, informative, éducative, préventive, évaluative.
Les outils utilisés
Le dossier de soins infirmiers est le support utilisé pour enregistrer les données, les interventions de soins réalisées et en cours ainsi que les résultats obtenus.
La démarche clinique infirmière
L’infirmière • recueille des données
• analyse et interprète les données
• liste les diagnostics infirmiers
• pose le diagnostic infirmier prioritaire
• fixe des objectifs
• met en œuvre des interventions de soins
• évalue les actions entreprises.
Les techniques de communication non verbales :
• l’observation, l’écoute
Les techniques de communication verbales :
• l’écoute active, la relation d’aide, l’entretien
• les techniques favorisant l’expression du ressenti. Exemples : le découpage collage, le mandala.
•
les techniques de gestion du stress, de l’anxiété, de la douleur : la relaxation, le toucher massage détente.
Un questionnaire élaboré à partir des 11 modes fonctionnels de santé de Marjory Gordon.
Les rubriques
Perception et gestion de sa santé
• connaissance/acceptation de son problème/attentes de la consultation.
Nutrition
• habitudes/comportement alimentaire.
Elimination
• troubles du transit/sueurs/oedèmes.
Activité – Exercice
• physiques/sportives/récréatives.
Sommeil – repos
• nbre d’heures/réveils/cauchemars
• difficultés d’endormissement/difficultés de concentration
• fatigue.
Processus cognitifs et perceptifs
• déficits visuels, auditifs
• refus de communiquer/repli sur soi
• isolement
• douleur.
Perception et conception du moi
• soins apportés à l’apparence (Etat cutané/cheveux/ongles/vestimentaire)
• l’hygiène corporelle, les habitudes et les préférences
• l’image corporelle
• les traits de personnalité/le tempérament
• l’estime de soi.
Rôle et relation
• la constitution de la famille/le lieu de vie
• le réseau social/la scolarité.
Sexualité – reproduction
• fertilité/stérilité/contraception/règles.
Adaptation et tolérance au stress
• événements de vie marquants : individuel/familial/psychosocial
•
les mécanismes de défense.
Valeurs et croyances
Le premier entretien infirmier
Réalisé par l’IDE de consultation et transmis au Pédopsychiatre, il permet :
de rechercher :
• les troubles de l’alimentation et du sommeil
• la perturbation de l’estime de soi
• la présence de signes d’anxiété et de dépression
• la perte d’espoir
• les modalités du geste suicidaire : intentionnalité, but, les facteurs déclenchants (rupture sentimentale, punition …)
• les idées et les intentions suicidaires passées et actuelles, le scénario envisagé
• les tentatives de suicide antérieures
• les conduites à risque (fugues, accidents à répétition, la consommation d’alcool, de drogues …).
d’évaluer
• la qualité du fonctionnement familial (conflits parentaux majeurs, violences physiques, psychologiques, sexuelles sur les enfants…)
• la relation entre l’adolescent et ses parents
• le soutien amical, social du jeune
• l’investissement scolaire.
de recueillir
• les antécédents familiaux de suicide, de dépression, de maladie mentale
• les événements de vie marquants (pertes, abandons, placements en famille d’accueil et en institution…).
L’intérêt de l’intervention infirmière
• apport d’une vision globale de l’adolescent
• pose d’un autre regard de soignant (complémentarité)
• participation à la prise en charge en apportant aux adolescents une écoute attentive et en adoptant une compréhension empathique
• repérage de certains troubles et difficultés
• dépistage des comportements et des sujets à risque
• action sur un problème de santé publique : le suicide des jeunes.
Conclusion
La consultation infirmière constitue une offre de soins supplémentaire, complémentaire de celle des médecins, un nouveau mode de réponse aux besoins de soins des adolescents. Ce mode d’intervention améliore la qualité des soins, apporte une réponse à la souffrance psychique des jeunes et participe à la prévention du suicide. Cette pratique permet l’exercice et la valorisation du rôle propre infirmier, reconnaît les compétences et offre une autre possibilité dans la carrière d’une infirmière.
Edwige GÉNITEAU, Puéricultrice Spécialiste Clinique au CHU de Poitiers
Coordination Infirmière de Poitiers
Article paru dans le n° 24 (janvier 2007) de la revue de la Coordination Nationale Infirmière (CNI)
Références bibliographiques
1 – ANAES, Le texte des recommandations sur la prise en charge hospitalière des adolescents après une tentative de suicide, 1998.
2 – Le Haut Comité de Santé Publique, le rapport sur la souffrance psychique des adolescents et des jeunes adultes, 2000.
3 – La Fédération Française de Psychiatrie, la conférence de consensus sur la crise suicidaire : Reconnaître et prendre en charge, 2000. POMMEREAU X., le rapport sur l’état de santé des jeunes en France, 2002. 4 – JOVIC L., La consultation infirmière à l’hôpital, Editions ENSP, Rennes, 2000.
5 – GENITEAU E., mémoire présenté en vue de l’obtention du certificat d’Infirmière Spécialiste Clinique, une consultation infirmière pour les adolescents hospitalisés en pédiatrie au CHU de Poitiers, 2003.
6 – IBID, 61
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