Revalorisation salariale des infirmieres : chantage à la catégorie A

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Écrit par Stephane DERES, Régine WAGNER
18-10-2010
Revalorisation salariale des infirmières et infirmiers : chantage à la catégorie A

La filière infirmière revendique depuis longtemps des salaires adaptés à sa spécificité. Au fil des années, les débuts de carrière des infirmières ont eu tendance à se « smicardiser » avec des salaires nets dérisoires au regard des qualifications, des conditions de travail et des responsabilités croissantes. En 1986, le salaire infirmier de début de carrière était 24% supérieur au SMIC aujourd’hui il n’est plus que de 11%…

Un peu d’histoire : l’effet d’annonce

Lors d’une intervention croisée Roselyne Bachelot et Nicolas Sarkozy ont multiplié les annonces concernant l’intégration des infirmières au système universitaire LMD (Licence Master Doctorat). Le discours de notre président de la république était alors le suivant : « On commence en 2009 pour la formation mais on emmènera tout le monde. On ne veut pas de deux statuts (…) avec des gens plus ou moins bien payés en fonction de leur date d’entrée ». (Discours de Rambouillet le 13 mars 2009).


Quelques mois plus tard, la consternation… Un document émanant du ministère nous permet aujourd’hui de décrypter certains chiffres. Tout indique que la revalorisation salariale ne sera pas à la hauteur des attentes de la profession et concernant le passage en catégorie A,  les infirmières vont pouvoir constater également le marché de dupes proposé par le gouvernement.

Pour les diplômés à partir de 2012, tout est hélas très clair

Le reclassement proposé ne correspond pas à la catégorie A TYPE qui sanctionne la responsabilité telle que reconnue aux autres professions de la Fonction publique, administratifs et enseignants.

En effet, si la grille proposée par le gouvernement pour les infirmières débute comme pour les autres professions à l’indice majoré 349 (salaire net 1342 €), elle s’arrête par contre à l’indice majoré 604 (salaire net 2322

€) quand la grille de la catégorie A TYPE va jusqu’à l’indice majoré 783 (salaire net 3011 € ).

Pour les anciens diplômés (avant 2012) tout est question de choix…

Les infirmières devront choisir entre :

• une simple revalorisation salariale mensuelle de 26 brut en moyenne (33 € en début de carrière et de 79 € en fin de carrière) si elles souhaitent conserver le régime actif et le droit à la retraite à 55 ans. En pourcentage c’est une augmentation moyenne de 1,26% par mois sur toute la carrière !
• un accès à la catégorie A avec une revalorisation de 80 brut en moyenne (111 € en début de carrière et 124 € en fin de carrière) mais accompagné d’une contrainte… celle de poursuivre l’effort jusqu’à 60 ans. En pourcentage c’est une augmentation moyenne de 6,30% par mois sur toute la carrière. En pratique, à partir de 2010 puis 2012 et jusqu’en 2015 (soit trois tranches), l’ouverture de ce droit d’option pour le passage en catégorie A sera proposé progressivement à toutes les infirmières. Sur la base de ce choix ou « droit d’option », la profession se dirige donc tout droit vers une différence de rémunération entre professionnels… à qualification et à travail identique.

Et si une réforme venait à repousser le droit à la retraite

C’est la question qu’il convient de se poser et qui concerne celles et ceux qui auront à faire le choix entre passage en catégorie A (avec la retraite à 60 ans) ou rester en catégorie B (avec la retraite à 55 ans). Nous rappelons que l’âge de la retraite vient d’être repoussé sur la base du volontariat, à 65 ans… Il sera difficile de faire un choix, en fonction des années qu’il reste à accomplir et la probabilité d’une éventuelle réforme qui repousserait l’âge de la retraite. Comment choisir avec cette incertitude et l’écart minime de salaire (80

€ brut par mois en moyenne sur toute une carrière) entre ces deux catégories.

Pour les spécialisés (IADE, IBODE, PUER) l’inquiétude…

En 2001, le gouvernement avait reclassé toutes les spécialités de la filière infirmière en catégorie A sans contre-partie pour la retraite (départ à 55 ans). Les infirmiers spécialisés pourront entrer dans une grille rénovée de catégorie A en juillet 2012. Cette grille évoluera une seconde fois en juillet 2015. Les mêmes principes de reclassement que pour les infirmiers non spécialisés seront respectés. (Choix de rester en catégorie A active, retraite à 55 ans, soit de passer en catégorie A sédentaire retraite à 60 ans)

Le critère de pénibilité de la profession passe à la trape

Alors que la CNI Coordination Nationale Infirmière essaie de faire reconnaître la pénibilité et le manque d’attractivité de la profession infirmière, le passage en catégorie A et la revalorisation salariale qui l’accompagne pouvait s’entendre pour redonner du souffle à l’ensemble de la filière. Le report de la retraite à 60 ans casse évidemment la dynamique et laisse supposer qu’avec un peu plus d’argent le métier deviendrait moins pénible… La CNI

Coordination Nationale Infirmière tient à rappeler que cette timide revalorisation n’est pas volée au regard de nos conditions de travail et de nos responsabilités. Le report de l’âge de la retraite est un affront en terme de reconnaissance et de pénibilité. Le gouvernement veut imposer une peine de sûreté et maintenir en activité des infirmiers lessivés par toutes ces années de bons et loyaux services. Comment les quelques euros supplémentaires proposés pourront-ils repousser les limites de l’usure professionnelle ?

Un « donnant donnant » inadmissible pour la profession

Les propositions de la CNI

Coordination Nationale Infirmière (augmentation salariale de cent points d’indice, passage en catégorie A sans contre-partie pour la retraite, grille linéaire et spécifique infirmière avec suppression de la classe supérieure et donc des quotas), certes plus ambitieuses, sont ainsi restées lettre morte.

Certaines professions de la fonction publique ont obtenu en contre-partie d’une retraite à 60 ans une revalorisation de fin de carrière de 52%.  Pourquoi devrions-nous nous contenter de 6,30% ?

Certes, le coût immédiat s’élève à 500 millions d’€ puis 250 millions d’€ par an à l’horizon 2050 si les infirmières  et infirmiers étaient revalorisées et maintenues dans la catégorie active mais, à terme, le recul de l’âge de la retraite à 60 ans engendrerait une économie annuelle d’environ 500 millions d’€ à partir de 2030 (source : rapport IGAS 2008). Les pouvoirs publics ont su bien profiter du climat général maussade sur fond de crise pour mettre en place cette réforme à moindre coût. Le monnayage, entre salaire et recul de l’âge de la retraite, orchestré par le gouvernement est tout simplement inadmissible. Quand les chauffeurs routiers menacent de bloquer les routes, le gouvernement leur accorde 2% d’augmentation sans rien faire et les invite aussitôt à négocier autour d’une table pour obtenir davantage. Faut-il conduire des gros camions, des tracteurs ou des trains pour être entendu en France ? Aujourd’hui, la fausse route du gouvernement fait tousser toute la filière infirmière. La santé de chacun est sur de mauvais rails mais la profession est-elle en mesure de se mobiliser ou va-t-elle simplement soupirer et laisser faire ? À quand zéro infirmier dans les services pour faire entendre notre voix ?

Stéphane DERÉS
CNI

Coordination Nationale Infirmière de Poitiers

Régine WAGNER


CNI
Coordination Nationale Infirmière Article paru dans le n° 30 (janvier 2010) de la revue de la Coordination Nationale Infirmière (CNI)
Cliquer ici pour accéder au cahier spécial CNI (droit d’option, augmentation mensuelle, grilles droit d’option ; IDE, Ibode, Puéricultrice, Iade, Cadres de santé, rachat d’études, simulation, pénibilité).

LES NOUVELLES GRILLES DES SALAIRES DES INFIRMIERES ET INFIRMIERS DE LA FONCTION PUBLIQUE HOSPITALIERE : ICI

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Dernière mise à jour : ( 23-06-2011 )